Lieve Oma

Le dernier jeu de Florian Veltman, Lieve Oma, vous propose de partir à la chasse aux champignons. Pas les champis magiques qui font grandir Mario, cependant. Plutôt des cèpes qui poussent à l’ombre des arbres dans une forêt aux couleurs d’automne. Vous incarnez un enfant que sa grand-mère a tiré du lit et emmené avec elle – n’ayant plus son agilité d’antan, elle compte sur vous pour la collecte. La confection d’une délicieuse tarte en dépend.

NB : cet article contient des spoilers du jeu, peut-être devriez-vous y jouer d’abord.

 

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Mais rapidement, on comprend que la sortie a également un but moins avoué. Devant les tentatives d’Oma pour engager la conversation, votre personnage se mure dans un silence bougon. Quelque chose le tracasse manifestement, mais il n’est pas prêt à en discuter. La grand-mère ne le presse pas. Avec patience et tendresse, elle compte délicatement l’amener à se confier pour le soulager. Et assistée de son alliée, la paisible forêt, elle y parviendra.

L’univers de Lieve Oma est on ne peut plus zen. L’enfant et sa grand-mère traversent de magnifiques décors, élégamment accompagnés dans leurs déambulations par une douce bande-son. Les mouvements de caméra et le trajet du chemin invitent à la contemplation. Mais, et c’est ce qui m’a vraiment plu, tous ces éléments n’ont dans un premier temps pas suffi a provoquer chez moi, en tant que joueur, une attitude détendue.

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Pendant la première partie de la promenade, j’ai demandé à mon personnage de s’agiter en tous sens, la touche « ctrl » (qui permet de courir) enfoncée. Au tout début, j’étais excité par la perspective de trouver le plus de champignons possible. Il m’est toutefois rapidement apparu que ceux-ci n’étaient pas si nombreux, et que parcourir les sous-bois bordant le chemin de fond en comble ne servirait pas à grand-chose de ce côté-là. Mais j’ai continué à gesticuler, m’éloignant de ma grand-mère pour mieux la retrouver ensuite.

Pourquoi ? En réfléchissant à cette question, j’ai réalisé, en cours de partie, que c’est l’histoire racontée qui provoquait en moi cette réaction. La tension, la résistance de l’enfant à se confier me faisaient redouter le pire. En tant que joueur, je ne savais rien de son secret, mais (et ?) son poids me tourmentait au point de m’interdire de tenir en place – et d’affronter la présence inquisitrice d’Oma, aussi bienveillante soit-elle. Alors, je réagissais de la seule façon possible : je courais, je gambadais… ou plus exactement, je fuyais. Comme font les enfant en pareilles circonstances.

De tout ça, je ne me suis rendu compte qu’un peu plus tard – alors qu’Oma et l’enfant ont enfin la fameuse conversation. Tout d’un coup, naturellement, je m’étais mis à déplacer mon personnage à la même vitesse que son aïeule, prenant même du plaisir à constater que, du haut de ses petites jambes, il avançait un poil moins vite qu’elle. Alors qu’il livrait la raison de ses tracas, et que la grand-mère tentait du mieux possible de l’apaiser, j’avais, inconsciemment, modifié en profondeur ma façon de jouer. Délivré du poids de mon secret, celui-là même que je cherchais à oublier en fouillant les recoins de la carte frénétiquement, j’avais fini par me laisser apaiser. J’avais atteint l’état de détente que le jeu me suggérait depuis son début mais que mon esprit troublé ne me permettait pas.

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Alors que le jeu progresse, les passages où l’enfant est accompagné de sa grand-mère alternent avec d’autres. Cette fois, l’enfant, qui a grandi, marche seul dans le même décor. La saison a également changé : nous ne sommes plus en automne mais en hiver. On se prend d’abord à imaginer que la grand-mère n’est plus, et que cette seconde promenade est un pèlerinage en mémoire de la première. Soudain, le téléphone vibre. C’est Oma, toujours aimante, toujours attentionnée, qui s’inquiète de ne pas avoir de vos nouvelles. Sans que ce soit dit directement, on sent immédiatement que l’adulte que vous êtes devenu n’a plus besoin de l’avoir physiquement à ses côtés. Grâce à elle, il peut désormais affronter seul ses problème, riche des armes affectives dont elle l’a doté. C’est dans ces niveaux que j’ai, naturellement, le plus pris mon temps, laissant mon esprit vagabonder à mes propres préoccupations.

Les champignons ne sont plus là non plus. Eux non plus ne sont plus utiles. Votre grand-mère vous a fait le plus beau des cadeaux : elle vous a donné la force de grandir.

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